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Mets et vins : les bons accords

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mar 28 Oct 2008 22:01

L’alliance des mets et des vins est considérée par beaucoup comme un art difficile réservé à quelques initiés. S’il est en effet difficile d’atteindre la perfection, il est cependant possible, avec un peu d’expérience, de créer d’agréables harmonies où texture, saveurs et arômes se combinent pour le seul plaisir des papilles. Seul impératif : le vin ne doit pas faire oublier le plat, la réciproque étant de mise. C’est à Philippe Bourguignon et Antoine Pétrus, sommeliers de renom, que nous avons demandé de débattre du sujet autour des 13 appellations commentées cette année.

Beaune

Antoine Pétrus : C’est aussi simple que local, mais des oeufs en meurette ou un savoureux jambon persillé seront une excellente entrée en matière.

Philippe Bourguignon : Le délice, c’est lorsque le vin « pinote ». C’est-à-dire qu’il exprime le caractère du cépage pinot. Pour moi, c’est le partenaire idéal du poulet rôti servi avec des pommes de terre frites ou sautées. Le côté fruité non saturant permet de boire aisément.

A. P. : Aisément, c’est le mot. Le vin souligne en simplicité le fondant des viandes et son fruité le rend aimable. Une tendre noix de veau à peine rosée, et voilà un accord qui s’impose comme une évidence.

P. B. : C’est cette qualité qui le pousse aussi à bien accompagner un plat, souvent unique, comme le pot-au-feu. Pour ceux qui auraient quelques millésimes anciens, l’idéal, c’est un faisan ou un perdreau rôti.

Riesling

Philippe Bourguignon : Je considère que le riesling est certainement le roi des accords. Celui qui permet le plus de fantaisie, qui ouvre le plus de voies. J’ai réussi des alliances avec les mets les plus difficiles et en particulier bon nombre de légumes comme les asperges, le navet, le céleri.

Antoine Pétrus : Il est vrai qu’il rend de grands services aux sommeliers ! Il traduit magnifiquement la grande diversité des terroirs d’Alsace, en jouant sur toute la gamme de la minéralité.

P. B. : Un caractère qui en fait le vin idéal pour accompagner les oeufs de poisson, et particulièrement les plus difficiles à marier : le caviar. Avec les poissons d’eau douce, quel équilibre, et puis, merveille d’harmonie, les cuisses de grenouille en mousseline comme à L’Auberge de l’Ill.

A. P. : Il faut aussi insister sur le fait que ces vins évoluent très bien. Un grand millésime mûr à point constitue un vin de fête... Il sera parfait en accompagnement d’un homard simplement rôti.

Crozes-hermitage

Antoine Pétrus : Voilà un vin délicieux jeune. Les 2003, 2004 ou 2005 sont excellents. J’ai encore le goût d’un accord très réussi avec un carré d’agneau rôti au serpolet. Il s’exprime aussi très bien sur les légumes d’été, l’huile d’olive...

Philippe Bourguignon : Je suis d’accord pour la jeunesse du vin, il livre alors un nez complexe qui évoque l’encre, la pivoine, le poivre... On peut créer des accords originaux sur les goûts iodés puissants, comme les oursins, ou un plat à base d’encre de seiche comme un risotto.

A. P. : Avec ce type de plat, les arômes puissants du vin sont parfaits. Cela dit, les vins plus vieux ont aussi leur place, sur des préparations longuement mijotées, comme un jarret de porc ou une épaule d’agneau façon couscous... pour la note méridionale.

P. B. : C’est amusant, mais ma préférence reste le mariage avec le boudin noir. Un mariage terrible, presque « consanguin », tant les goûts des deux se combinent bien.

Fronsac

Philippe Bourguignon : Là, on est un peu dans l’esprit du saint-émilion et du pomerol, ces vins se jouent bien des viandes mijotées longtemps, et même confites, comme le canard, l’oie, la pintade.

Antoine Pétrus : Je suis aussi pour une certaine simplicité. Lorsque l’automne arrive, un petit côté cuisine traditionnelle, ça annonce la saison froide. Pourquoi pas une hure de sanglier suivie d’une entrecôte grillée aux sarments avec des pommes sarladaises ?

P. B. : Le luxe serait d’y râper un peu de truffe. D’ailleurs, en vieillissant, le fronsac est excellent sur la truffe cuisinée avec des pâtes. Par contre, répétons-le, le fromage n’est pas son meilleur ami, sauf, à mon avis, une vieille mimolette ou un vieux gouda.

A. P. : Bien qu’à ce propos j’ai fait l’expérience d’un vin arrivé à maturité sur un saint-marcellin affiné, avec du pain de campagne à l’olive noire. L’accord est étonnant !

Côtes-du-jura

Antoine Pétrus : Le grand classique, ce sont les morilles. Pour changer de la crème, elles peuvent être nappées d’une émulsion légère au comté et, bien sûr, servies avec une volaille de Bresse au vin jaune.

Philippe Bourguignon : Oui, le grand classique, mais c’est incontournable, on doit aussi citer la croûte aux morilles.

A. P. : On peut également sortir des sentiers battus, leur complexité permet des alliances très originales. J’ai fait de savoureux accords sur de simples légumes oubliés, les topinambours, les crosnes, les potimarrons, ou une noix de ris de veau laquée aux épices douces servies avec une mousseline de pommes.

P. B. : Tout un programme ! Mais je pense que c’est surtout vrai avec les juras blancs à base de savagnin. Les arômes d’évolution et la richesse de ces cuvées conviennent effectivement aux plats à base de fromages, de champignons, d’épices. Pour les cuvées à base de chardonnay, je vais plus vers des accords comparables à ceux des mâcons blancs.

A. P. : A propos de fromages, j’adore faire une déclinaison qui met en valeur les différents stades d’évolution du comté : 6, 12, 24 et 36 mois, avec pour chaque étape d’affinage un vin adapté !

Bourgueil

Antoine Pétrus : La finesse et la souplesse du vin demandent des viandes qui s’offrent sans résistance. Un jambon de Sancerre, cuit et fumé, suivi d’une poitrine de géline de Touraine, une petite poule de race rustique très goûteuse.

Philippe Bourguignon : Je pense même que ce sont peut-être les meilleurs vins rouges à table, tant ils sont équilibrés, faciles à boire, non saturants. Toujours frais, même en vieillissant. Ils apportent l’« humide » nécessaire à bien des plats. Ils symbolisent bien notre art de la table à la française où le vin doit être bu en mangeant.

A. P. : Il est vrai qu’ils gardent leur fraîcheur en vieillissant. Les millésimes 1995, 1990 ou même 1989 sont actuellement surprenants. Avec une terrine de pot-au-feu servie avec un mesclun de salade à la moutarde, quel délice !

P. B. : C’est d’autant plus vrai que l’acidité naturelle du vin autorise des cuisines qui utiliseront le vinaigre, la moutarde, par exemple avec du lapin.

Graves blancs

Philippe Bourguignon : Il faut distinguer les graves blancs jeunes, élevés sans bois, et les cuvées plus sophistiquées vinifiées en fûts, souvent neufs. Ces vins nécessitent quelques années, de la patine.

Antoine Pétrus : Avec les premiers aux arômes d’agrumes et de fruits exotiques, bienvenue aux entrées qui égaient les papilles. La chair d’araignée ou de tourteau servie avec une mousse d’avocat, alliée à la fraîcheur du vin, c’est tout simple et délicieux.

P. B. : Il y a encore plus simple : une boîte de sardines, de maquereau, de thon. C’est formidable ! Il ne faut pas oublier de citer les huîtres, plutôt iodées, ou encore les bouquets, saisis à la poêle avec du piment d’Espelette.

A. P. : Toujours dans les produits de la mer, j’aime beaucoup les coquillages cuisinés, comme de gros ormeaux, ou un duo de coques et de couteaux travaillés avec du beurre d’algues, mais là, je parle des accords avec les cuvées boisées et évoluées.

P. B. : Les vieux millésimes accompagnent également à merveille une terrine de foie gras de canard, mais un accord que je trouve délicieux, c’est avec le fromage de brebis basque, un peu vieilli, un peu rance.

Rasteau

Antoine Pétrus : On peut commencer par les spécialités locales comme les caillettes, sortes de petits pâtés de viande dans lesquels on peut trouver des épinards ; elles sont relevées d’épices et très goûteuses. Il faut au moins ça pour être à la hauteur de ce vin riche et profond.

Philippe Bourguignon : Riche est le mot. Les meilleurs rivalisent d’ailleurs avec leurs voisins de Châteauneuf-du-Pape, ce qui permet un peu les mêmes accords, des plats d’hiver, roboratifs.

A. P. : Je pense à un salmis de pigeon...

P. B. : Avec un vin jeune, ce serait parfait. Ils se conduisent sans problème sur des viandes puissantes, comme la queue de boeuf. Plus anciens, ils permettent de passer là où bien d’autres vins n’y parviennent pas. Par exemple, le lièvre, le sanglier, particulièrement en civet. C’est cette même complexité doublée de puissance qui rend si grands les accords avec la truffe.

Mâcon

Philippe Bourguignon : Les plus jeunes, comme les 2007, bénéficient d’une vraie vivacité qui fait d’eux des vins du matin, de casse-croûte, pour ouvrir l’appétit, par exemple avec des radis-beurre, surtout si les radis piquent un peu, ce qui devient rare...

Antoine Pétrus : Dans le même ordre d’idées, je pense à une alliance très gourmande, une friture de petits poissons de ruisseau accompagnée d’une salade de coeurs de sucrine, avec un peu d’ail nouveau.

P. B. : En fait, il faut des préparations simples, un saucisson chaud pistaché, une terrine de volaille...

A. P. : ... et les fromages, bien sûr. De chèvre, comme le mâconnais ou le charolais pour rester local, et les chèvres en général, à essayer à différents niveaux d’affinage.

P. B. : Ça nous amène à parler des millésimes plus anciens. Leur caractère plus rond mettra en valeur le fondant d’une blanquette de veau ou d’un soufflé au fromage.

A. P. : Une blanquette ou une côte de veau, juste rosée, à peine crémée, servie avec quelques carottes fanes pour la petite note de douceur !

Fitou

Philippe Bourguignon : Première recommandation : servir ces vins au caractère méditerranéen à une température pas trop élevée, 14 °C au départ, c’est bien. Je trouve qu’une daube de boeuf aux olives donne un accord très réussi.

Antoine Pétrus : Le fait est que ce sont des vins parmi les plus typés de la région. Il faut servir une cuisine ensoleillée ! Des petits pâtés de Pézenas à base de viande d’agneau confite, ça révèle le côté confit et épicé du vin.

P. B. : Les saveurs épicées du vin donnent effectivement le ton. J’ai d’ailleurs fait d’heureuses expériences avec un couscous d’agneau ou avec des saucisses tout simplement grillées.

A. P. : Il faut préciser qu’au vieillissement il s’affinent et gagnent en complexité. Avec un cabri rôti aux herbes, fondant et savoureux, l’accord se fait autant sur la texture que sur les arômes, surtout si on lie le jus de cuisson avec un peu de tapenade d’olives noires.

Coteaux-du-layon

Antoine Pétrus : On pense spontanément au foie gras. J’ai en tête une recette originale de foie gras frais poché à l’orange amère et à la bergamote. Ce sont des parfums un peu exotiques qui rappellent les arômes du vin.

Philippe Bourguignon : Je suis d’accord pour le foie gras, de préférence chaud, mais je pense que l’on peut tenter des alliances insolites, en particulier avec les cuisines épicées...

A. P. : Un travers de porc laqué au gingembre et à l’ananas ?

P. B. : Voilà, ce type de plat, un tajine de poulet à l’abricot, une pastilla de pigeon... C’est sa structure, paradoxalement ronde et nerveuse, qui nous aide.

A. P. : La structure et l’évolution. Les 1997, 1990 et même 1989 se goûtent actuellement très bien ! Sur un dessert à base de mangue, avec une glace à la vanille Bourbon, l’accord est superbe.

P. B. : A propos de l’âge, je conseille souvent de boire les très vieux millésimes pour eux-mêmes. Ils deviennent vins de conversation !

Pécharmant

Philippe Bourguignon : Ces vins sont formidables sur les viandes saisies au barbecue. C’est le caractère grillé, fumé de cette cuisson qui convient bien à ces vins, un peu « viandés ». Ils rappellent les bordeaux de la rive droite, c’est sans doute pour ça que je les apprécie sur le boeuf, mais c’est excellent avec l’agneau et même le porc.

Antoine Pétrus : Ah ! le porc noir de Bigorre rôti à la broche... ça nous amène à des accords régionaux. J’aime beaucoup la tourte de canard au foie gras avec des cèpes et quelques relents de truffes ! Je trouve qu’avec le vin la sensation est indescriptible...

P. B. : Là, on quitte les grillades ! Cela dit, un pécharmant de quelques années de cave sera excellent sur les viandes cuites longuement, en cocotte, au four.

A. P. : Une épaule d’agneau ou de porcelet braisée sera en parfaite harmonie avec le caractère voluptueux du vin, qui s’affine avec l’âge. Avec les notes de sous-bois, de cèdre, d’épices qui se développent dans le vin, l’accord est presque ton sur ton !

Dão

Philippe Bourguignon : Des rouges au caractère plutôt puissant et de belle minéralité. Jeunes, ils accompagneront tout simplement de belles grillades de boeuf saignantes avec de vraies frites pour assouplir un peu les tanins.

Antoine Pétrus : On est effectivement sur des vins qui ne manquent pas de personnalité. Il faut des mets savoureux pour que l’accord soit équilibré. Pour rester dans les grillades, un cochon à la broche : après tout, c’est un produit local.

P. B. : C’est vrai, je me souviens d’ailleurs d’une recette portugaise à base de porc et de coquillages qui ferait honneur à ce vin, mais après quelques années de vieillissement... pour gommer les tanins. Patiné, je l’associerais bien à des tomates farcies.

A. P. : Le côté confit de ce plat me fait penser à une cuisine de fin de saison, plus automnale, les premiers cèpes, les mousserons, les châtaignes... Tiens, une tourte de palombes et pommes de terre ou, pourquoi pas, un lièvre à la royale.

Philippe Bourguignon est directeur du restaurant Laurent, à Paris et auteur de « L’accord parfait », aux Editions du Chêne. Antoine Pétrus est assistant du chef sommelier au restaurant Les Ambassadeurs, à l’Hôtel Le Crillon, à Paris, et meilleur jeune sommelier de France trophée Ruinart 2007.

Jacques Dupont pour : http://www.lepoint.fr
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Re: Mets et vins : les bons accords

Messagepar Vincent R. » Mar 28 Oct 2008 22:52

Voilà la façon dont je procède quand je dois cuisiner.
même si mes capacités derrière le fourneau sont ultra-limitées, je commence toujours par chercher quel vin je vais ouvrir puis j'essaye de déterminer avec quel plat il pourrait aller.
Cet article fourni une belle base de départ :good:
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en dessous de 16, je n'achète pas! il y a si bon ailleurs!
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