Elle ne représente que 60 hectares sur les 5000 du vignoble valaisan, mais elle est sans conteste une vedette du renouveau du Vieux Pays.
Par Pierre Thomas
Tout ce qui est rare est bon. L'explication est un peu courte pour la petite arvine, un cépage dit de troisième époque, donc au mûrissement tardif et propre au Valais. De fait, sa plantation se limite aux meilleures expositions et pas question de la voir se généraliser dans tout le vignoble... 60 hectares, cela fait, du reste, déjà un demi-million de bouteilles.
L'avenir de la petite arvine paraît aujourd'hui assuré.
Trois éléments y concourent. D'abord, elle fut la première, il y a dix ans, à faire l'objet des mesures de «sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine viticole valaisan». Ensuite, depuis un an, et après des travaux déjà réalisés à la Haute école spécialisée de Sion, elle est étudiée à plein temps par une jeune chercheuse. Enfin, elle intéresse quelques uns parmi les meilleurs viticulteurs d'Europe: des Valaisans l'ont implantée en Vallée d'Aoste dès 1970, le Piémontais Angelo Gaja ou le Languedocien Aimé Guibert (Daumas-Gassac) en ont quelques pieds. Et la maison Chapoutier a reçu l'autorisation, à titre d'essai, d'en planter un demi-hectare à Tain-l'Ermitage.
Plus complexe que le viognier
C'est que l'arvine possède toutes les qualités pour faire un grand vin blanc. Son parfum de citron vert, de rhubarbe et de pamplemousse évoque l'exubérance du viognier très à la mode actuellement. Mais si le viognier est plus précoce, il souffre, dans des conditions chaudes, d'un manque d'acidité, au contraire de l'arvine. Et puis, un seul clone du cépage fétiche de Condrieu a été largement multiplié, alors que les Valaisans ont précisément veillé à sauvegarder une centaine de ceps aux caractéristiques toutes différentes, certifiés «Sélection Valais». Cette démarche a valu fin novembre au président de la Société des pépiniéristes-viticulteurs valaisans, Paul-Maurice Burrin, un deuxième prix Agro 2002.
D'ici février 2004, Claudia Fretz, ingénieure en technologie alimentaire de l'EPFZ, étudie à Sion les arômes de l'arvine. Cette recherche, menée en collaboration avec le professeur bordelais Denis Dubourdieu — le pape du sauvignon blanc — devrait déterminer quels sont les précurseurs d'arômes du cépage valaisan et permettre ainsi aux vignerons de les favoriser en toute connaissance de cause.
Une stupéfiante diversité
A Fully, les dix-sept producteurs locaux ont pris les devants. Tous les deux ans, ils organisent une manifestation, Arvine en Capitales. Marie-Thérèse Chappaz et Benoît Dorsaz ont démontré que l'arvine supporte parfaitement la surmaturation et le botrytis — la fameuse pourriture noble — alliée à une vinification et à un élevage en fût de chêne neuf. Mais, conduite par le fondateur du Label Nobilis, Dominique Fornage et le sommelier Christian Martray, une dégustation a démontré, fin novembre à Fully, que la plupart des arvines sont aptes au vieillissement. La jeunesse du vin de type sec met en valeur la vivacité, le minéral et la salinité du blanc. Plus mûre, elle peut évoquer les grands rieslings allemands aux arômes de pétrole.
Sèche, si elle possède de la structure, elle est à même de résister aux années. Botrytisée, elle acquiert une complexité protéiforme, qui doit autant à la surmaturation qu'au talent de son éleveur. Et entre deux, le «mi-flétri» peut se justifier, puisque le sucre sert d'exhausteur d'arômes... Le seul regret, c'est que les producteurs abandonnent à leur sort les dégustateurs, qui, faute d'indication sur une contre-étiquette, ne savent pas à quel style de petite arvine se vouer. Une authentique faute de goût qui embarrasse d'abord les sommeliers et les restaurateurs.
http://www.thomasvino.ch/articles.php?lng=fr&pg=253
Christian