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Climatologie : surveillance météo sur les vignes

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mar 30 DĂ©c 2008 16:55

En février, le géographe-climatologue Hervé Quénol s'envole pour sa nouvelle destination : le Chili. Objectif : étudier un vignoble pour mieux comprendre les conséquences du changement climatique sur le cépage.

Hervé Quénol se remet à peine de trois semaines intensives sur les coteaux verdoyants des vignobles de Stellenbosch, non loin du Cap, en Afrique du Sud, qu'il doit déjà se préparer à repartir. Cette fois pour le Chili, en février prochain… Depuis deux ans déjà, le chercheur du laboratoire « Littoral, environnement, télédétection et géomatique » (LETG)1, à Nantes, parcourt la planète. Avec un seul projet : installer un maillage serré de capteurs météorologiques dans des cépages ciblés afin d'étudier, sous des latitudes différentes, l'évolution et l'impact du réchauffement de la planète sur le raisin et sur les crus.
Car chez les professionnels viticoles, partout dans le monde, c'est la même interrogation : quelles seront les conséquences du changement climatique pour la vigne d'ici vingt à cinquante ans ? « -, avoue Hervé Quénol. Il est déjà difficile de prévoir le climat à l'échelle régionale dans les trente années à venir, alors obtenir des conclusions tangibles à l'échelle très fine d'un arpent de terrain s'avère particulièrement ardu. Pour y parvenir, on définit d'abord les variations microclimatiques d'un vignoble, en installant un réseau compact de stations météorologiques, selon l'exposition, la pente, la distance par rapport à la mer ou l'occupation du sol. Puis on confronte les résultats obtenus avec d'autres données, viticoles et œnologiques. Avant de procéder à une simulation adaptée aux échelles fines. »
Le site pilote du vignoble de Stellenbosch, proche du Cap en Afrique du Sud, est un modèle du genre. Le vignoble, équipé en stations météorologiques depuis 1994, notamment par l'université de Stellenbosch, a déjà produit une base de données intéressante et permis une cartographie du climat local avec une précision de 200 mètres. Pour affiner encore ce résultat et passer à une résolution de quelques dizaines de mètres, Hervé Quénol est retourné sur le vignoble en novembre dernier pour truffer le terrain de 40 nouveaux capteurs. Ces derniers enregistrent la température toutes les 15 minutes simultanément sur les 40 emplacements différents.
Au Chili, sa prochaine destination est une autre paire de manches… « Mes capteurs ont été bloqués trois mois à la douane », raconte-t-il. Dans la vallée de Casablanca, au sud de Valparaiso, seules 15 stations météorologiques, installées là par une association motivée de viticulteurs, occupent une surface de 15 000 hectares. Hervé Quénol doit donc reprendre son bâton de pèlerin en février pour installer de nouveaux réseaux de capteurs avec le soutien de l'université catholique de Valparaiso et récupérer des données dans la vallée de Casablanca.
Si la mission CNRS avance à pas de géant en Afrique du Sud, c'est que les viticulteurs du pays prennent le changement climatique très au sérieux. Déjà soumis à des conditions climatiques extrêmes pour la culture de la vigne, ils subissent de plein fouet toute modification supplémentaire des températures. Du coup, pour sauver ces vins de qualité, ils assument pleinement de travailler main dans la main avec des géographes climatologues, des modélisateurs physiciens du climat, des œnologues, des agronomes… Pragmatiques, certains envisagent sans complexe de planter leurs vignobles en fonction des simulations climatiques du CNRS. Des producteurs sud-africains ont même déjà repiqué des ceps de vigne plus en altitude pour récupérer des périodes de froid essentielles au bon développement du cépage.
Pour la mission CNRS comme pour les vignerons du monde entier, le temps presse. Depuis de nombreuses années, le changement climatique influence directement la qualité du vin et les rythmes de la vigne. La hausse des températures a déjà engendré une modification naturelle des taux de sucre et d'alcool. Et paradoxalement, le réchauffement climatique ne limite pas le risque lié au gel, loin de là. Avec le bouleversement des saisons, la floraison intervient plus tôt au printemps. Les jeunes bourgeons alors très vulnérables peuvent subir d'importants dégâts lorsque les températures rechutent brusquement.
Surtout, le réchauffement de la planète pourrait bien modifier la localisation de certains cépages très spécifiques. Comme l'Alvarinho du Portugal : un cépage qui se cultive uniquement dans la vallée du Minho, au nord-est de Porto, et qui a lui aussi reçu la visite d'Hervé Quénol. Un microclimat étonnant épargne à ce raisin les variations de températures qui lui seraient normalement fatales. Quelques degrés de plus pourraient aussi avoir des répercussions majeures sur le goût et la teneur en alcool du célèbre vinho verde. Et de bien d'autres vins de terroirs dont la singularité tient au climat local…

Camille Lamotte
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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