Si elle séduit surtout les bars à vin bobos, la vogue de ces vins sans aucun intrant fait aussi réfléchir l'ensemble de la profession.
Par Jacques Dupont
Au commencement, tout le monde ou presque était d'accord. Il devait s'agir de vins issus de raisins obtenus sans désherbants, pesticides, engrais ou autres produits de synthèse, bref, provenant de l'agriculture biologique. Puis la biodynamie est arrivée, un peu plus complexe, avec des paramètres différents qui tiennent compte des astres et notamment de la lune et qui utilisent des préparats particuliers. Mais en réalité, tout cela n'est pas une obligation. Quelqu'un peut décider de faire du vin nature dans sa cave tout en utilisant dans ses vignes des produits de synthèse. Le vice est partout… D'autant qu'aucun label, aucun règlement ne garantit l'authenticité du « produit » ni son processus d'élaboration.
Il s'agit plus pour le moment d'un courant de pensée représenté par des associations ou des affinités. Tous s'accordent sur des principes de base : les vendanges doivent être manuelles. Une fois entré au chai, le raisin ne doit subir aucune intervention technique qui puisse modifier la vie bactérienne. Nous avons même lu sur un blog militant qu'il ne devait y avoir aucune intervention humaine. Sans doute une erreur de formulation, car si on compte sur le Saint-Esprit pour piger, encuver, décuver et presser, il est fort peu probable que ces tâches matérielles relève de ses attributions. Comme dit le proverbe : « Ce ne sont pas les moineaux qui mènent les vaches au pré… »
Pas de recours aux « produits chimiques » ajoutés. Les levures, qui transforment le sucre en alcool, doivent être « indigènes ». On ne doit pas s'aider de levures sélectionnées en laboratoire, qui facilitent parfois la fermentation. Même si celles-ci proviennent de souches isolées, prélevées dans le vignoble puis « cultivées » par les techniciens. Enfin, et c'est là que les avis divergent, pas ou peu d'ajout de « sulfites ».
Suivant les écoles ou les associations qui regroupent certains vignerons adeptes de cette philosophie, le soufre (SO2), ce qu'on désigne en raccourci par « sulfite » est plus ou moins autorisé. Tandis que les uns proscrivent tout recours au soufre, d'autres autorisent dans leur statut des doses en faible quantité de 30 mg/l pour les rouges, 40 mg/l pour les blancs, au moment de la mise en bouteille pour protéger les vins, éviter qu'ils s'oxydent, tournent au vinaigre ou ne se chargent en goûts déviants, sous l'effet de bactéries indésirables.
On peut sourire de voir certains amateurs se régaler de vins déviants, oxydés, qui rappellent les tonneaux en vidange des grands-pères, mais cette mode a provoqué également une prise de conscience chez certains vignerons. Les doses de SO2 ajouté ont fortement diminué dans l'ensemble du vignoble et notamment dans les vins blancs liquoreux pour lesquels on bloquait la fermentation pour conserver le sucre avec des doses massives de soufre. « Aujourd'hui, on ne fait plus un mutage au souffre, les outils œnologiques sont très performants, la filtration tangentielle c'est béni des dieux », dit Laurent de Bosredon du Château Bélingard, un des plus remarquables producteurs de Monbazillac.
Source : https://www.lepoint.fr/vin/la-question- ... 32_581.php