Les grands bordeaux, bourgognes et cĂ´tes-du-rhĂ´ne vieillissent merveilleusement. Il en est de mĂŞme pour une petite appellation de Provence: Bandol.
L'excellente revue L'Amateur de bordeaux vient d'organiser une dégustation des bandols dits de Longue Garde. Cette petite appellation de Provence, située sur les hauteurs de Toulon, organise rituellement chaque année la Fête du millésime qui a lieu le premier dimanche de décembre sur le port de Bandol. Sur ce même port, les barriques marquées du fameux B de l'appellation partaient jadis à la conquête du monde. À cette occasion sont primés depuis 1989, après une dégustation à l'aveugle, trois vins rouges qui porteront le titre de Longue Garde.
Cette dégustation qui a lieu sur des vins très jeunes -ils ont peine deux mois et ils sont prélevés sur fûts- a- t-elle un sens? Un jury composé d'œnologues, de techniciens, de sommeliers et de journalistes, effectue, en l'absence de producteurs, une première sélection. En 2009, ils étaient cinquante-sept vins à se présenter. Puis un deuxième jury, les membres du bureau du syndicat, les présidents des sommeliers de Provence et quelques membres qualifiés, procèdent à la sélection de trois vins «Longue Garde» sans ordre de préséance entre les trois pour ne pas faire de jaloux. Vingt ans plus tard, le temps était venu de juger de la pertinence et de la qualité de cette sélection. «Nous y croyons fort!», avait prédit Michel Bronzo, le président du syndicat de l'appellation Bandol et par ailleurs propriétaire de l'excellent domaine La Bastide Blanche.
Tous les vins n'ont pas pu être réunis à cette occasion, certains vins dits de Longue Garde n'existaient plus à la propriété. Sur les 60 vins qui avaient été élus en 1989, il y en avait tout de même 43 disponibles à la dégustation, ce qui montre la confiance des producteurs. Et aucun n'a démérité, même les plus vieux, ce qui est en soi une belle performance. Certains même se sont avérés de classe mondiale, comme Château Pibarnon 1989, Lafran- Veyrolles 1991, Jean-Pierre Gaussen 1993 ou encore Terrebrune 1994, château Pradeaux 1995, entre autres, pour les plus âgés. Une vraie révélation.
Comment est-ce possible? D'abord, l'appellation possède un cépage extraordinaire, le mourvèdre. «C'est le mourvèdre qui donne toute la classe à notre vin», affirme Guillaume Tari, le talentueux propriétaire de La Bégude qui est perché sur les hauteurs de l'appellation. Cépage tardif, le mourvèdre a besoin à la fois de soleil pour mûrir, c'est son grand problème sinon il devient très animal, mais aussi d'eau, deux exigences parfaitement contradictoires qui se trouvent miraculeusement réunies dans cette appellation qui bénéficie du soleil de la Provence et de sa proximité avec la mer. «J'en bave tous les ans pour arriver à le faire mûrir», raconte Agnès Henry-Hocquard de la Tour du Bon qui sort régulièrement dans les dégustations.
MosaĂŻque de terroirs
Le mourvèdre, que l'on croyait venu d'Espagne oĂą il est connu sous le nom de mataro -mais l'analyse ADN a battu Âcette hypothèse en brèche-, a trouvĂ© dans cette rĂ©gion montagneuse sa vĂ©ritable terre d'Ă©lection. S'il doit ĂŞtre prĂ©sent au moins Ă 50%, il les dĂ©passe allègrement dans les meilleurs domaines.
Mais il ne suffit pas uniquement d'un excellent cépage. Le terroir y est aussi pour beaucoup. Si l'appellation Bandol est composée d'une mosaïque de terroirs, ce sont les terres calcaires qui donnent les vins qui se magnifient au vieillissement: «Je suis persuadé que ce sont nos terres du trias, un calcaire provenant du début de l'ère secondaire, qui est le secret des superbes vieillissements de Château Pibarnon», confie Éric de Saint Victor qui peut sortir une trentaine de millésimes de toute beauté, y compris un étonnant 1970 de son prédécesseur, le Piémontais Modesto Ramognino qui travaillait pourtant avec des moyens très modestes.
Si l'image de la Provence est, pour le plus grand nombre, celle des vacances et des plages, les terres arides et escarpées de Bandol sont loin de cette image d'Épinal. Les parcelles cultivables ont été conquises sur les collines et suivent les courbes topographiques. À l'image du maçon piémontais qui était auparavant à Pibarnon, il a fallu bâtir des restanques pour retenir l'eau et parvenir à implanter la vigne. Le vrai secret de Bandol est dans ces générations de bâtisseurs qui ont réussi à construire ces innombrables murets de pierre sèche pour mettre en valeur ces terres ingrates avec une foi inébranlable.
Par Bernard Burtschy
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