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Cerveau reptilien

Messagepar Winemega-Alain » Ven 20 Avr 2012 12:18

Les généralisations en matière de profils psychologiques sont rarement pertinentes. Pourtant, l'approche d'une majorité d'amateurs de vins reste essentiellement binaire, partagé entre le "Top" et le "Bof". Malgré les efforts communication effectués par des prescripteurs de talent sur tel ou tel vin délectable, les effets commerciaux en aval restent, somme toute, relativement marginaux. Finalement, le critère essentiel motivant la décision / non-décision d'achat des amateurs - consommateurs reste, encore et toujours.. la qualité générale du millésime!

Nos amis bordelais l'ont bien compris durant la dernière décennie, avec une inflation sidérante de millésimes qualifiés "du siècle". Car sans cette légitimation prestigieuse, le réflexe de base de l'acheteur confine au rejet basique pur et dur des vins contemporains du malheureux millésime amputé d'un ou deux macarons.

Sur la décennie écoulée, voici en gros ce que ça donne dans le cerveau reptilien de certains "amateurs" de Grands Crus bordelais:

- 2000: J'achète! C'est le premier millésime du millénaire avec les trois zéro sur l'étiquette. Ah en plus, c'est bon?
- 2001: Je passe! Une année de chats maigres.. je passe mon tour!
- 2002: Je passe! En plus, Bob ne s'est mĂŞme pas rendu aux primeurs..
- 2003: J'achète! Enfin du bordeaux mûr, sirupeux à la texture proche de mon Latte Macchiato matutinal..
- 2004: Je passe! Pask'ils ont fait du vin cette année?
- 2005: J'achète! Et tous mes bonus de fin d'année y passent
- 2006: Je passe! Pfff.. même pas un 100/100 cette année..
- 2007: Je passe! Et je crache dessus..
- 2008: Je passe! Beurk.. c'est tannique..
- 2009: J'achète! Et merci au compte épargne servant à financer les études de mon fils
- 2010: J'achète! Et j'hypothèque la maison..
- 2011: Je passe! Ah, c'est du "2008 (ou 2001)-bis"?

Cette approche binaire, répliquée à l'échelle de la planète d'amateurs (et spéculateurs) du monde entier, a pour conséquences de faire exploser les prix des millésimes "j'achète" et de laisser des montagnes d'invendus sur les bras des négociants, distributeurs ou cavistes pour les millésimes "Je passe".

Pourtant, la décennie écoulée a permis l’application de progrès considérables, permettant de "sortir" des vins de très haute qualité, même dans des millésimes moyens. Citons pêle-mêle les approches parcellaires des vignobles, les soins accrus apportés aux vignes, un meilleur respect phytosanitaire, la limitation des rendements, les techniques de tri toujours plus sophistiquées lors de vendanges, les vinifications adaptées au profil des vins, sans parler de la séparation entre le premier vin - représentant parfois moins de 50% de la récolte, et le second vin, réservé aux raisins jugés de qualité insuffisante pour entrer dans la première étiquette du domaine.

Et de nombreuses dégustations comparatives à l'aveugle le confirment, avec des différences gustatives de plus en plus ténues entre les millésimes prestigieux (et souvent hors de prix) et certaines années (injustement) délaissées. Par exemple, les initiés se régalent aujourd'hui de nombreux crus estampillés 2001, certes un peu ingrats dans leur jeunesse, mais tellement racés et expressifs aujourd'hui. Même constat pour nombre de 2002, actuellement très réjouissants sur la Rive Gauche. Pour sûr, 2006 et 2008 adopteront un profil similaire d'ici 3-5 ans.

Certes, l'amateur futé devra faire un peu de prospection et bien se renseigner sur les domaines qui travaillent sérieusement et de manière intègre. C'est au prix de ce travail de sélection qu'il pourra enrichir sa cave de vins splendides.. sans avoir forcément besoin de se saigner financièrement aux quatre veines.


(texte original: http://blog.boottle.fr/2012/04/20/quali ... terminant/)
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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Greg V » Ven 20 Avr 2012 12:47

Intéressant mais ça part d'un postulat qui m'étonne à savoir que le critère déterminant d'achat reste la qualité du millésime. Est ce prouvé ou est ce une affirmation péremptoire ?
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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Sebastien » Ven 20 Avr 2012 21:41

Bonsoir,

Je pense qu'effectivement sur Bordeaux, l'acte d'achat chez le consommateur averti est dépendant du millésime et de sa notoriété "journalistique" ou météorologique. L'un et l'autre sont liés bien souvent. Qui s'aventurerait à acheter du 2007? Sauf à en connaître le domaine qui à échappé aux intempéries et à en avoir goûté le vin au préalable, je ne suis pas de ceux là. Un raisin, un fruit maltraité par la nature, reste un fruit peu ragoutant. Il y a des années où les fruits sont vraiment moches, idem pour les vins. Surtout vu les prix affichés. Je préfère sauter une année et me concentrer sur d'autres régions. Car, cet effet millésime joue beaucoup moins sur d'autres régions, comme le Languedoc-Roussillon ou encore le Rhône... Pour ce qui est de l'amateur d'étiquette, il aura le même enchantement à boire du 2007 que du 1990 pourvu que le prestige pare sa table.

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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Didier » Ven 20 Avr 2012 22:00

Merci pour ce premier message!
Bienvenue sur BDE. Au plaisir de te lire à nouveau et d'en savoir un peu plus sur tes goûts, tes régions vinicoles préférées, tes vins favoris ...
:tchin: .
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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Winemega-Alain » Sam 21 Avr 2012 10:23

gogos51 a écrit:Intéressant mais ça part d'un postulat qui m'étonne à savoir que le critère déterminant d'achat reste la qualité du millésime. Est ce prouvé ou est ce une affirmation péremptoire ?


Je ne m'appuie sur aucune étude scientifiquement menée.. mais sur la constatation de mon activité au jour le jour.

Il y a ce que j'appelle les "grands amateurs" (ou amateurs éclairés), qui s'instruisent sur le sujet, qui sont parfaitement à jour avec l'actualité viti-vinicole récente, qui connaissent tous les vignerons "qui montent" dans chaque région, qui sont à l’affût des meilleures affaires sur des sites d'enchères et qui construisent leur cave en privilégiant les meilleurs rapports qualité/plaisir/prix. Ils dégustent énormément, traînant leur savates dans tous les salons de vins de l'hexagone, participant à plein de rencontres autour du vin et passent une partie de leurs loisirs à visiter caves et producteurs (au grand dam de leurs enfants / épouse ;) ). Cependant et à vue de nez, j'estime la proportion de ces grands amateurs parmi la clientèle d'acheteurs de vins à 5%.. grand max.

A l'autre extrĂŞme du panel, on a des consommateurs pour qui le vin, c'est juste un boisson qu'ils aiment ou qu'ils aiment pas (tiens.. on revient sur l'approche binaire ;) ).

Et entre ces deux catégories, on trouve surtout des gens qui se disent amateurs. Ils en connaissent effectivement sur le sujet, mais dans les grandes lignes uniquement.. mais juste assez pour impressionner la tablée :mrgreen: . C'est cette catégorie, clairement majoritaire parmi la clientèle des distributeurs et cavistes, qui est visée par mon article.
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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Sebastien » Sam 21 Avr 2012 13:04

Beau condensé Alain :appl2: . Ceux qui achètent avant tout du St Emilion ou du Châteauneuf-du-pape sans se soucier de la cuvée de vigneron ni du millésime, tu les classes où? ;)
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Re: Cerveau reptilien

Messagepar Winemega-Alain » Sam 21 Avr 2012 14:11

Le Bingeot a écrit:Beau condensé Alain :appl2: . Ceux qui achètent avant tout du St Emilion ou du Châteauneuf-du-pape sans se soucier de la cuvée de vigneron ni du millésime, tu les classes où? ;)


Damned.. j'y avais oublié ceux-là! :lol:
Une catégorie à mi-chemin entre les poètes qui choisissent un vin parce que le nom est joli et les bienheureux d'esprit qui ne se posent pas ce genre de question! ;)
Alain

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Re: Cerveau reptilien

Messagepar AlexR » Dim 29 Avr 2012 23:00

Greg a Ă©crit :

"Intéressant mais ça part d'un postulat qui m'étonne à savoir que le critère déterminant d'achat reste la qualité du millésime. Est ce prouvé ou est ce une affirmation péremptoire ?"

C'est déterminant, mais c'est la qualité *perçue" du millésime.

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