A côté de mes ateliers pour la MLC, une amie devenue très proche de nous au fil des années et son mari, toujours présents, fidèles quand le bateau tangue fortement et que la tempête fait plus que s'envoler mes derniers cheveux, m'ont proposé d'animer une initiation à la dégustation pour certains de leurs amis, auxquels s'est joint un couple d'amis communs et un autre couple que j'apprécie également beaucoup.
Mes amis ne sont pas eux-même spécialement amateurs de vins, mais ont envie de découvrir et faire découvrir aux copains. C'est un honneur et une joie d'essayer de leur faire plaisir.
Donc,13 personnes autour de la table, au service du vin et de l'amitié.
L'occasion, aussi, de revoir en profondeur et de compléter mon premier atelier de septembre et de préparer un atelier pour mai au boulot.
Après une présentation d'environ 1h qui s'est allongée pour répondre à maintes questions diverses et toujours intéressantes (signe de l'intérêt du groupe au sein duquel tous les participants se sont tout de suite entendus), le jeu des odeurs a permis de rendre cette soirée particulièrement ludique, puis nous avons attaqué la dégustation proprement dite.
Certains regardent bizarrement la table, impressionnés par les deux verres
Spiegelau Expert (vins servis par paire) mais surtout intrigués devant l'objet noir posé à côté d'eux. Dur de recracher, devoir expliquer qu'il ne s'agit pas de gâchis : dans cette soirée, la partie plaisir est associée à la technique de dégustation et donc à un nombre de vins important et donc il vaut mieux recracher au maximum. On commence par une petite démonstration avec de l'eau et une tentative pour
grumer le vin. Grosses rigolades qui créent une ambiance particulièrement conviviale entre tous : certains parviennent à grumer et recracher, mais d'autres arrivent seulement à recracher... à l'intérieur !?
Revenons aux vins, que j'ai choisis plutôt classiques, relativement jeunes et accessibles, sans prendre trop de risque :
D'abord; dégustation pure de deux effervescents :
1/ Champagne Blancs de Blanc du domaine Paul SugotCette cuvée, entrée de gamme du domaine, est un classique d'un 100% chardonnay : robe jaune clair, brillante, bulles moyennes, effervescence qui s'estompe assez rapidement ; notes fruitées, sur la craie, les fleurs. Jolie bouche, toute en fraîcheur. Un vin idéal en apéritif. Longueur moyenne voire courte.
2/ Champagne Harmonie 2012 du domaine Follet-RamillonRobe à peine plus jaune, claire, signant un champagne encore jeune a priori. Cela se confirme au nez comme en bouche : jolies notes de fleurs, d'acacia, de brioche, fruits jaunes. Jolies bulles, fines, vin frais, moyennement long, très agréable en bouche, il ouvre l'appétit.
Les deux Champagnes ont bien plu, dans deux styles différents, mais tous les participants ont loué la fraîcheur et la jovialité de ces Champagnes dont les prix au domaine restent encore sages, malgré les augmentations récentes.
On attaque les diverses quiches sur les blancs, il y a deux paires successives :
Enfin, pas vraiment, car en ouvrant le
3/ Muscat sec 2019 du domaine Olivier Pithon et en montrant comment le bilame fonctionne, j'ai enfoncé trop vite l'outil et le bouchon est tombé dedans. Stupeur
, arrosage et franche rigolade !
Pas grave, j'ai prévu justement de verser ce muscat aux jolies notes de ... muscat mais surtout de fleurs et de miel, dans plusieurs verres différents : gobelet métal, Inao, Lehmann Jamesse 36 cL, Schott Zwiesel Beaujolais, Zwiesel vins rouges jeunes : tout le monde a compris l'importance du verre, même si sur les verres adaptés, l'impression générale est similaire.
Le Muscat sec est bien sec, fruité, floral, pas très long en bouche mais bien équilibré. Pas mal du tout.
Finalement, une seule paire et un vin servi à part... avant les rouges.
4/ Riesling grand cru Hengst 2016 du domaine Josmeyer : ouvert aussi avec le bilame, ben là , je ne me loupe pas et la démonstration est enfin concluante
Belle robe jaune claire, nez pétrollant gentiment, mais des fleurs et fruits blancs, coing notamment, rendent ce vin séducteur. Et la bouche est bien construite, fraîche, sèche mais tout le monde perçoit un peu de sucre résiduel... mais peu marqué. Encore très jeune, ce riesling est fort plaisant à table, par sa droiture et son élégance. Contraste recherché avec l'autre vin, plus jeune, à l'équilibre différent :
5/ Pouilly-Fuissé Les Pierrotes 2020 du domaine Clos des Rocs (Olivier Giroux)Nez plus tertiaire, sur la vanille, les épices, mais contrebalancé par la poire et l'acacia. Bouche plus puissante, mais équilibrée, ce chardonnay plaît également à l'assemblée.
Le dernier blanc est donc servi à part. Je l'ouvre, j'annonce solennellement que si le vin n'a pas de pet, il devrait beaucoup beaucoup plaire, voire être grand... je l'adore ce 6/ Saumur 2016 du domaine du Collier : robe jaune dorée, nez magnifique sur la poire, le coing, les épices douces, etc., etc. La bouche est magnifiquement équilibrée, le vin long en bouche, le silence se fait. Peu de dire qu'il plaît... et ça me plaît énormément !!! Quel plaisir de voir les conversations s'arrêter et les visages s'illuminer puis les discussions autour de ce vin excellent.
Les quatre rouges ont été ouverts à 10h le matin. Les deux premiers, un peu durs à l'ouverture, ont été carafés 2h puis remis en bouteille, simplement rebouchée.
J'ai choisi le matin de bonne heure le thème des rouges :
horizontale de 2017, millésime qui me semble intéressant en ce moment.
7/ Bourgueil Les Marsaules 2017 du domaine du Bel-AirRobe grenat, de concentration moyenne. Nez légèrement sur le poivron mais surtout sur le poivre et le cassis et la framboise. Appétant. Bouche avec à la fois des tannins veloutés et une acidité qui apporte de la fraîcheur. Joli vin qui accompagne à merveille les charcuteries délicieuses d'Odillard, le boucher-traiteur que j'adore à Taverny.
8/ Côte de Bourg, Château Falfas 2017Robe plus foncée, nez de cassis et d'épices, de mûre. Bouche classique d'un bon cru bordelais fort intéressant à table.
J'ai de plus en plus de mal d'attirer l'attention de mes commensaux, les discussions et les rires fusent. Mais quel bonheur !
Allez, on enchaîne sur la seconde paire de rouges, deux découvertes récentes dont je raffole, on change de registre et on part plus à l'est et le sud :
9/ Côtes du Rhône Vieilles Vignes 2017 du domaine St PatriceRobe grenat, nez fraise/laurier, poivre. Çà ressemble à du Reynaud, mais non, c'est différent. Longueur moyenne, c'est toujours aussi bon, même si un peu plus de complexité et de structure lui confèrerait une grandeur "reynaudienne", alors que cette bouteille reste à terre. Mais à environ 14€, c'est très très bon.
10/ IGP Collines Rhodaniennes "Intuitions" 2017 du domaine Nicolas BadelRobe un peu plus profonde, grenat aux bords violacés. Nez sur le cassis, je ressens l'olive, le lard, la cerise. Complexe et la bouche est élégante, les tannins sont veloutés et la longueur en bouche bonne. Le vin coule tout seul... Non, faut recracher bien sûr ! Trop tard pour certains... leur crachoir est en grève
Et cela passe bien avec un plateau de fromages de compétition de mes fromagers préférés (j'ai peut-être eu la main lourde sur le coup), complété (soyons fous !) de fromages de chèvre frais de la ferme de Chauvry, on ne peut pas faire plus local.
D'ailleurs, plusieurs participant(e)s ont sursauté quand je leur ai dit que les blancs se mariaient généralement mieux avec les blancs. Donc, j'ai invité les participants à goûter plusieurs fromages avec certains blancs (le Saumur et le Pouilly-Fuissé notamment) et de comparer leurs sensations avec les rouges. Très instructif.
Je renonce finalement à un Vouvray 2008 devant les cris d’orfraie de deux amies...
J'ouvre quand même le
11/ Gaillac doux les Gravels 2009 du domaine Rotier, on va pas tourner à sec, nom di diou !
Robe cuivrée, brillante, nez sur l'abricot, les fruits jaunes, épices. L'équilibre se fait sur un moelleux élégant et frais, pas un monstre de puissance, malgré les 90g/L de sucres, mais le vin est presque rafraîchissant et nullement pâteux. Évident sur la salade de fruits délicieuse.
On se finit
avant d'aller au lit avec un dernier vin, accompagnant des gâteaux marocains délicieux et gourmands d'une boulangerie d'Argenteuil :
12/ Maury 2017 de Jeff CarrelRobe grenat, nez magnifique sur la mûre, fruits noirs, cerise à l'eau de vie, le café, le cacao grillé, vin puissant (17%), aux sucres (116 g/L) parfaitement intégrés à une matière mûre. A nouveau, le silence s'installe (bon, la fatigue commence à se faire sentir, surtout pour la jeune retraitée qui vient de faire 200km à vélo dans la journée). Mais qu'est-ce que c'est bon, c'est régressif, waouh ! Ce Jeff Carrel est d'un talent peu commun. Y'a-t-il une cuvée décevante dans toute sa gamme ? Et à des prix doux en plus. Chapeau bas !
Ça faisait longtemps que je n'avais autant ri. Quand tout s'aligne, les vins, les mets, la qualité des personnes, quel bonheur dont il faut jouir pleinement. Et je crois que l'un des participants semble avoir oublié, au moins le temps de la soirée, sa peine d'un deuil récent. Cette soirée restera à jamais dans ma mémoire comme l'un des moments les plus heureux.
A refaire.