par Patrick » Sam 3 Nov 2007 18:34
Préambule :
Qu'on se le dise sur la toile du vin, il n' y a pas aujourd'hui de domaine plus fiable que celui-ci pour espérer déguster un Chambertin digne de ce nom !
Bien entendu vous n'y trouverez pas le luxueux boisé des stupidement baptisés "magic cask", pas d'extraction démesurée , de couleurs noires bleutées, de toastés envahissant, de planches juteuses, de tanins médocains ou de sucres pommatoire à la sauce arabique. Non! Ici le vin se veut rubis profond, dense et velouté et d'une incomparable suavité bourguignonne. Tout ce que nos immenses maîtres parisiens ont fini par oublier dans leur quête effrénée des crus concentrés des années 90 ou dans leur retour honteux vers une euphémisation souple et féminine de ce qu'ils avaient adorés... en prescrivant doctement à qui mieux mieux. Si le ridicule ne tue pas, il doit à ce niveau au moins avoir fait quelques dégats.
Sereinement je plaide ici depuis 8 ans - et il faut bien le dire à contre-courant au début- pour des vins d'équilibre à matière serrée et à douceur affirmée. Puissance et finesse des arômes et qualité de tanins soyeux sur une matière impeccablement architecturée... le vin qui me séduit est celui qui me conduit à mettre encore et encore ce beau domaine sur le devant de la scène gibriaçoise.
Si Paris valait bien une messe, il mériterait aujourd'hui une fesse et Rossignol-Trapet vaut bien que l'on communie pour lui!
Le millésime 2007
Le millésime 2007 sera l’un de ceux qui départagera les excellents vignerons des bons faiseurs. On y trouvera de bons vins, des vins un peu trop verts et extraits, des vins dilués et fruités et des crus d’élite impeccablement tramés qui sauront séduire les amateurs les plus exigeants par leur naturel de fruit et la souplesse de leur trame. Il fallait sans doute égrapper la vendange car les rafles vertes ne pouvaient véritablement apporter la complexité souhaitée et je pense fermement qu’il était nécessaire de prendre ses raisins mûrs en évitant de laisser les vignes aller jusqu’à la flétrissure. Ce jeu « des dates de vendanges », différent dans chaque domaine selon les modes de taille, la vigueur et la jeunesse des vignes et le expositions n’a pas été facile à gérer de manière fine et il fallait être très proche des vigne, des fruits et des analyses sanitaires pour mener à bien cette campagne.
Le domaine Rossignol Trapet a pris le risque de vendanger à haute maturité des parcelles disséminées dans les deux côtes en choisissant de couper- quasiment 5 jours après tout le monde - la côte de Beaune à partir du 7 septembre et de n’attaquer la Côte de Nuits que le 11 Septembre (à l’exception de la parcelle de Combotte coupée dès le 5 Septembre en raison de la jeunesse de ses plants). Petits rendements, tri drastique des raisins flétris à la vigne puis sur table vibrante, manipulation douce des fruits égrappés…rien n’a été laissé au hasard !
Le résultat est là . Après deux mois les crus se présentent en pleine forme avant les fermentations malo-lactiques : harmonieux et frais, pleins et riches sur des robes rubis et une douceur de constitution qui donne entière raison à la conviction première du domaine : il fallait couper mûr !
Bourgogne 2007 : Un joli vin de fruit constitué sur des tanins très souples. Sa jolie couleur rubis et sa douceur naturelle marque un petit progrès avec la cuvée des années précédentes qui se montrait plus sévère et un rien plus tannique. Jolis arômes de fraise des bois et de mûre. Bien +. 86-87
Beaune Blanches fleurs 2007 : Un vin simple et naturel qui n’est pas vinifié pour exprimer une vraie complexité de terroir mais plutôt pour aller dans le sens d’un joli vin de pinot noir issu d’une parcelle sablonneuse. Cela n’empêche en rien une matière assez intense et un fruité noble et délicat. J’aime ces Beaune de bas de coteau lorsqu’ils se montrent aussi francs et bouqueté. 86-87
Savigny les Beaune 2007 : Plus sévère aujourd’hui que le Beaune village, il a pour lui un corps assez complet mais pêche un peu au plan de la douceur tannique. Un peu anguleux, il profitera certainement d’un élevage attentif pour se fondre. 83-85
Beaune Teurons 2007 : La couleur rubis introduit un vin harmonieux, mûr et « séveux » qui possède une très belle franchise de goût. Au milieu des chambertin il surprend toujours par son fruit éclatant et par ce côté aérien de la côte de Beaune, plus droit, moins ample, mais tout aussi racé que les crus de Gevrey en 2007. La prise de bois est idéale et les tanins d’une rare noblesse à ce niveau d’appellation. 88-90
Gevrey-Chambertin 2007 : J’ai dégusté trois origines de villages différentes et à chaque fois l’assemblage se montre supérieur par son côté droit, pur et intense. Souplesse et fruit des parcelles argileuses combinées aux notes fumées et terriennes des parcelles médianes de pied de coteau et à la jolie tension des parcelles sises plus hauts, proches des crus. Un village élégant et rond, très séducteur qui disposera de tanins très fins en fin d’élevage. Une réussite au niveau de la vinification. 87-90
Gevrey-Chambertin "Les Etelois" 2007 : la cuvée isolée depuis trois ans est à chaque millésime une petite pépite de fruit et de sensualité. 2007 marque encore une étape dans le velouté de la texture et l’harmonie générale de ce lieu-dit parfait. Couleur sombre, nez frais, tanins enrobés, fruité complexe et longueur magistrale. La « meilleure cuvée de niveau village de la commune depuis 3 ans »… et de loin ! 91-92
Gevrey-Chambertin Clos Prieur 2007 : Nous attaquons ici les grandes cuvées du domaine en terme de capacité de garde et de qualité de terroir. Des premiers crus bien entendu mais faut-il préciser qu’à chaque fois ceux-ci sont situés dans les très bons endroits du cadastre et qu’ils produisent « bien peu » …Le clos Prieur est une pépite ! Harmonieux, dense et doux, il dispose d’une couleur rubis quoique pas forcément impressionnante au regard des années dernières, mais quelle matière ! Tanins très fins, maturité de fuit parfaite et présence en bouche d’une rare intensité. Un sommet dans le cru. 91-93
Gevrey-Chambertin Petite Chapelle 2007 : Plus en douceur que les autres années, il a trouvé son style et sa personnalité avec une plénitude de constitution qu’il n’avait pas même en 2005 je pense. Robe profonde, tanins souples et architecturés, prise de bois idéale pour une vinification soignée et proche de ce terroir s complexe à magnifier en année difficile. La classe. 92-93
Gevrey-Chambertin Aux Combottes 2007 : Coupé plus précocement en raison de ses jeunes plants, la parcelle sise non loin de Morey dans la partie haute du lieu-dit donne toujours des vins bouquetés et fins qui pourraient avoir un peu plus de densité. Celui-ci ne fait pas exception et il livre sa matière mûre – un rien confite – avec une grande finesse. « Plus cambuléen que gibriaçois » il séduira demain les amateurs de vins féminins. 89-90
Gevrey-Chambertin Cherbaudes 2007 : Non loin des Mazis, on dit souvent qu’il leur ressemble, avec un poil de douceur en plus et une dose de puissance en moins. Ce 2007 est au diapason avec une matière très souple, un fruité mûr sur des tanins enrobés et un boisé discret. Belle longueur finale. 90-91
Gevrey-Chambertin Les Corbeaux 2007 : Le corbeaux positionné au nord du climat est un vin qui se présente rustique et anguleux en ce moment. Prise de bois sévère et trame un rien plus froide et verte, il demande plus de temps que les autres pour fondre sa nature un peu austère. Bien. 87-88
Chapelle Chambertin 2007 : Le cru mûrit toujours plus vite que ses voisins car il est très solaire, mais il a aussi besoin de cette maturité pour donner sa pleine mesure. Les raisins très concentrés lui procurent aujourd’hui une allure mystérieuse qui sied parfaitement à sa nature. Il se montre très sombre et dispose d’arômes de fleurs fanées, d’épices douces et de fruits noirs qui réclament un long élevage pour libérer pleinement leur complexité. Le bois récent lui va bien et dynamise cette énergie brute formelle incroyable. La Chapelle demande du recueillement et une très solide connaissance des terroirs de Gevrey, mais quand elle se présente comme celle-ci on ne peut que lui faire confiance. 92-94
Latricières Chambertin 2007 : Comme à l’habitude le cru est séducteur en diable. Rubis pourpre, disposant de senteurs complexes et sensuelles de groseille et de menthe sauvage sur une trame délicatement poivrée et camphrée. Il cousine fortement avec le clos de la roche voisin et en 2007 dispose d’une part féminine qui lui sied comme un gant. Tanins très fins, prise de bois parfait et douceur finale impressionnante, un très beau cru pour demain. 93-95
Chambertin 2007 : Depuis 2003 le Chambertin des frères Rossignol est vraiment exceptionnel et se place dans les cinq meilleurs vins de Bourgogne tout simplement. Bien entendu le 2004 est un peu moins puissant que les 2003/2005 et 2006, mais encore faut-il être capable de comprendre sereinement la nature de ce terroir dans le millésime. Certains grands critiques français du vin n’ont manifestement pas les compétences requises...qu’importe !
On se souviendra encore et encore de ce 2007 dans les trente années qui viennent, tant il se place au sommet de la pyramide des crus. Autant de grâce, de concentration et d’harmonie ne sont possible qu’ici, en Musigny, en Richebourg et en Romanée, il ne faut pas se leurrer. Une telle densité de constitution parvenant à être maîtrisée confine à l’épure. Les gestes précis pour obtenir des fruits sains et gorgés de sèves (par la « Biodynamie sans compromis » il faut le dire aussi) ont été élevés à leur maximum en 2007 grâce à une idéale date de vendange et aussi parce que les frères savent désormais mieux que les autres comprendre ce cru sauvage et beau, qui ne se livre qu’à condition d’en avoir une cuvée suffisamment importante englobant bas et haut de coteau dans le sens de la hauteur au milieu du cru. On a beaucoup écrit sur la supériorité du Clos de Bèze en raison de l’unité de ses producteurs dans le positionnement des parcelles, mais on a oublié de signifier que depuis toujours le plus grand et le mieux placé des terroirs est le cœur du Chambertin dans l’intégralité de sa complexité haute et basse. Je répare aujourd’hui ce funeste jugement qui minorait à l’excès les potentialités de ce cru de génie au profit de son si brillant voisin du Nord.
Le Chambertin 2007 est sombre et beau, il domine de très loin son boisé faire-valoir (mais de très grande qualité) en le toisant de ses notes de bâton de réglisse, de réséda, de sauge et de menthe sauvage. En bouche le vin est si puissant qu’il vous emporte dans toutes les directions sans que vous ne puissiez tout comprendre. Il m’a fallu 10 bonnes minutes pour l’évaluer, le sous peser, le toiser et une fois encore je m’incline devant autant de complexité. Aussi beau qu’une jeune Landonne, qu’un naissant Ausone ou qu’une fraîche Romanée (et on ne me demandera pas si je les ai dégusté !) ce Chambertin là brille de mille feux et s’annonce digne des glorieux 2005 et 2006. 97-99
Post scriptum :
Je pense que nous avions perdu depuis trente ans la vraie nature de ses sols ébouriffants de complexité qui enfin livrent à nouveau (depuis 2003 seulement il me semble sur ce que je déguste) l’essence gustative dont ils sont capables. Trop de pinots droits et de rendements inconséquents avaient plombés les illusions des fervents fanatiques de ce cru de légende qui avait sonné ses dernières heures de gloire entre 59 et 62 (merveilleux Clos de Bèze 62 de Damoy et Chambertin 59 de Trapet). Aujourd’hui enfin les vrais vins harmonieux de la Bourgogne de toujours se retrouvent au diapason de notre culture et je suis très heureux de pouvoir vous annoncer le début de la renaissance d’une terre bénie.